Compte-rendu de formation technique et organisationnelle à Dakar
Posted by SeverinGeo on 20 March 2018 in French (Français).Un changement de dernière minute ayant libéré mes deux premières semaines de mars, j’ai donné du samedi 10 au mardi 13 une formation de 4 jours à destination des mappers les plus avancés de la communauté OSM SN dakaroise, dans le cadre d’une action bénévole organisée et soutenue par l’association Les Libres Géographes dont je suis l’un des membres fondateurs. Les deux premières journées ont eu lieu au CEDT-G15, les deux dernières à l’IRD de Hann Maristes, deux structures qui font partie des lieux qui accueillent volontiers des activités OSM, ce dont nous les remercions tous chaleureusement.
La formation comportait deux dimensions, techniques et organisationnelles, qui ont été abordées en alternance sur les 4 jours, avec des reprises d’un jour à l’autre par l’un des participants, afin de favoriser l’assimilation et au besoin de pouvoir revenir sur un point.
La dimension technique de l’atelier
L’un des principaux objectifs de cet atelier de formation était de donner les moyens aux participants de produire une donnée OSM de meilleure qualité. Un premier axe de travail a consisté à simplement perfectionner leur œil de cartographe, afin qu’ils soient capables de :
- repérer de suite ce qui est suspect dans la donnée existante, comme la taille et la forme des bâtiments ou les vides dans un quartier urbain pourtant dense
- analyser un paysage urbain et le reproduire le mieux possible sur la carte, notamment lorsqu’il est très organisé (alignements, lotissements réguliers, etc.), ce dont ne rend pas compte une cartographie incomplète de bâtiments peu précis, même si dessinés avec le greffon building_tool, ou la juxtaposition de « boites à chaussures » sans détails, peu appréciées du groupe de travail Data de la Fondation OSM
Nous avons passé du temps sur des outils essentiels de qualité, souvent trop peu utilisés, pour vraiment se les approprier : le validateur de JOSM (pas seulement sur ses propres éditions, mais sur l’ensemble de sa zone de travail) et Osmose, toujours sur des zones de travail connues et parcourues au quotidien. Chacun a pu mettre tous ces aspects en pratique dans son quartier de résidence et y améliorer grandement la carte OSM.
De longs moments ont également été consacrés à la bonne utilisation des différentes imageries disponibles sur Dakar : Bing, ESRI World Imagery et Pleiades 2017. Nous avons vu comment déterminer la date de capture si celle-ci n’est pas connue, comment gérer les décalages de géoréférencement, les devers plus ou moins prononcés, quels attributs pour renseigner sur la source ou la période de construction. La récupération de l’URL de l’imagerie Pleaides disponible depuis l’IDS Francophone Libre (et bientôt directement depuis JOSM) a fourni l’occasion d’aborder les Infrastructures de Données Spatiales et découvrir geOrchestra.
Une session de découverte d’Overpass a permis aux participants de découvrir ou redécouvrir ce requêteur/extracteur en ligne de la donnée OSM, et son adaptation dans QGIS avec QuickOSM. J’ai montré comment il peut notamment servir à suivre les évolutions d’une cartographie de terrain, comme par exemple celle de Sunu Gox, et constituer ainsi un outil qui contribue également à la qualité et la complétude de la donnée.
Des applications Android récentes, utiles tant pour le formateur que le cartographe ont aussi été abordées :
- AirDroid pour projeter l’écran de son smartphone lors d’une formation sur une application mobile,
- StreetComplete (sur le terrain lors d’un retour de déjeuner) pour cartographier le nom, la surface, la limite de vitesse et l’éclairage des rues
- Mapillary, déjà connue mais qui bénéficie désormais d’un chapitre dans le « Guide de la Géomatique Libre et de la donnée ouverte ». Nous avons vus la prise de vue en mode automatique basée sur la distance depuis un véhicule et la visée de biais que j’avais testée avec succès il y a quelques semaines. J’ai saisi l’occasion de faire un don d’un pod qui m’avait été transmis par Mapillary à Moussa Diouf, qui l’utilisera dans les véhicules de la mairie de Rufisque.
La dimension organisationnelle de l’atelier
Le camp a été l’occasion de présenter à nouveau l’action et l’approche des Libres Géographes depuis 2012 en termes de construction de capacités OSM locales : si un renforcement technique est bien sûr indispensable, il doit également s’accompagner d’un renforcement organisationnel au sens large. Dans le peu de temps que nous avions, l’aspect organisationnel a surtout porté sur deux axes.
Le premier a consisté à présenter l’écosystème OSM, qu’il soit mondial, régional ou local, la manière dont s’articulent collectifs informels, associations nationales, transnationales comme Projet Espace OSM Francophone et opérateurs économiques. Un temps conséquent a été consacré à la Fondation OSM, souvent méconnue (en partie dû au fait que sa documentation et ses échanges sont faits en anglais) : son organisation, son rôle, ses groupes de travail, et ses actions et fait ensemble une revue commentée des dernières minutes de la réunion mensuelle de son bureau bénévole (qui a lieu en phonie sur Mumble et est ouverte au public). Présentations et échanges ont abordé également les State Of The Map monde, régionaux (SOTM Africa ou SOTMBF 2015) ou locaux. Les aspects légaux d’OSM ont aussi été discutés à travers la page wiki de FAQ qui leurs sont consacrés. Sur les questions de tags OSM manquants dans le contexte africain, j’ai encouragé à s’abonner et participer à la nouvelle liste francophone tagging-fr qui est justement conçue pour cela. En tant que deuxième plus gros contributeur depuis 6 mois aux traductions en français de HebdoOSM (que la plupart des présents lisent régulièrement), j’ai également montré comment fonctionnait la contribution volontaire à ce projet communautaire indépendant de la Fondation OSM.
Le deuxième axe organisationnel a été centré sur la présentation et la discussion des “Communs organisationnels” en partie forgés au Sénégal en 2014 avec le concours de l’OIF. Ils regroupent différents documents génériques d’appui à la structuration associative et coopérative de communautés en cartographie numérique libre (OSM) dans une perspective d’économie sociale et solidaire : modèles de note de projet, de budget, de rapports technique et financier, ainsi que des documents de support présentant les structures OSM existantes, une typologie d’usages économiques d’OSM, une offre technique bâtie sur OSM couplée à un guide pour la mise en œuvre d’activités OSM ainsi que des conseils de communication. Certains de ces documents ont été passés en revue, là encore sur deux jours, pour revenir sur l’assimilation de la veille et aborder de nouvelles questions.
J’aurais souhaité qu’il y ait un peu plus de participants, mais les présent-e-s étaient particulièrement motivé-e-s, ce qui est le plus important. La formation s’est déroulée dans une ambiance à la fois studieuse et chaleureuse (nous avons partagé aussi de bons moments à l’heure du déjeuner autour d’un thiep, d’un C’est bon ou d’une soupou kandja !) et chacun a pu présenter son parcours passé et actuel dans OSM.
J’ai notamment été impressionné et heureux de savoir que Moussa Diouf, responsable de la gestion de déchets à Rufisque, qui planifie depuis longtemps ce travail à l’aide d’OSM, a engagé un ancien élève du BTS géomatique qui réalise désormais des cartes de belle facture avec la donnée OSM, et promeut en interne une cartographie complète de la commune ; ou qu’Alpha Diallo, ancien du G15 également, a publié sur OSM plus de 900 POI sur la commune de Biscuiterie, issus de son projet intégrateur de fin de BTS. Je suis convaincu que le temps passé ensemble aura renforcé toutes les personnes présents dans leurs activités liées à OSM, et qu’elles sauront retransmettre ces éléments techniques et organisationnels au sein de la communauté OSM Sénégal.
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